Tête de liste pour le parti d’opposition Écolo, Sarah Turine estime la gestion de sa commune, mais regrette le manque de souffle, le manque de vision et de politique globale dont fait preuve la majorité.
Après avoir passé le flambeau de la coprésidence de son parti, Sarah Turine se prépare à la campagne communale qu’elle mènera en tant que tête de liste Écolo pour Molenbeek. C’est une campagne qu’elle espère très ouverte (le cdH quitte la liste du bourgmestre, le PTB se renforce), et qu’elle semble heureuse d’entamer. “Vous savez, Molenbeek est une commune fascinante et très diversifiée.”
Justement, quel regard portez-vous sur cette diversité ?
Elle constitue un grand défi. Car si elle peut être une richesse, elle engendre un blocage chez beaucoup. Le centre historique de Molenbeek par exemple est très vivant, et en même temps c’est un quartier qui accumule toutes les difficultés. Il y a beaucoup de chômage, de nombreux jeunes en décrochage scolaire, une grande précarité, de nombreux primoarrivants qui n’ont pas tous les outils pour décrypter le fonctionnement de la ville. C’est une population qui a besoin de beaucoup de soutiens et qui peut être impressionnante pour celui qui ne la connait pas. Tout cela donne une image de Molenbeek qui n’est pas facile. À l’inverse, on sait que les jeunes de Molenbeek sont très mal à l’aise quand ils sortent de leur commune. Pascale Jamoulle a étudié ce phénomène tout comme l’AMO Samarcande. Le fait que les jeunes restent cantonnés à leur quartier n’est pas l’exclusive de Molenbeek. Le grand enjeu sera de décloisonner tout ça, pour que tous se sentent appartenir à la même région, et aient envie de la construire dans le respect des valeurs communes et des spécificités de chacun. Molenbeek est au cœur de ce défi là.
Des événements tels que Molenbeek « ville des mots » ou Molenbeek métropole culturelle mènent-ils à cette voie-là ?
Oui, maintenant il faut les utiliser à bon escient. S’il y a bien quelque chose que je peux reconnaitre au bourgmestre, c’est l’énergie qu’il a mise dans la Maison des Cultures. Elle est un outil formidable qui permet d’ouvrir la commune. Mais ça ne suffit pas, car d’un côté on a la Maison des Cultures gérée par le bourgmestre, et de l’autre on a l’échevinat de la culture. Il n’y a aucune politique globale. C’est la même chose pour les écoles. Il y a très peu de contacts entre les écoles communales et les écoles du réseau libre, entre les écoles du « Molenbeek-haut » et les écoles du « Molenbeek-bas ». Monsieur Moureaux doit se rendre compte que seuls on ne pourra relever tous ces défis. La commune travaille presque exclusivement avec les institutions communales, mais n’envisage que très peu la collaboration avec l’ensemble des structures associatives ou privées. C’est dommage.
Vous habitez Molenbeek depuis une dizaine d’années, comment jugez-vous l’évolution de la commune ?
Une autre qualité du bourgmestre, c’est sa capacité à aller chercher des subsides. En termes de rénovation et d’aménagement du territoire, de très belles choses ont été faites. Après, il y a le respect que l’on a de ces espaces. Et là, il y a un gros travail à faire. J’ai beau aimer beaucoup ma commune, je reste choquée devant l’état de propreté des rues, ou l’état du matériel urbain. C’est un travail qu’il faut envisager avec les citoyens qui en sont d’ailleurs conscients. Dans ce cadre, la démocratie participative est une politique chère à Écolo. Il s’agit d’accompagner la population et de travailler avec elle pour un mieux-être dans le quartier.
Quand on voit tous les défis qui attendent Molenbeek, on se demande comment, en période de crise, elle pourra y répondre…
Tout est dans la manière de faire. C’est clair que la situation actuelle est difficile. Mais on peut toujours apporter de la créativité. Devant les moyens dont nous disposons, nous devons nous demander quels sont les objectifs que nous aimerions vraiment atteindre. Et si je trouve que la commune est bien gérée, j’ai vraiment l’impression qu’elle manque de souffle, que la majorité manque de vision et ne sait pas où elle veut emmener la commune. Si l’on prend les problèmes des jeunes et du chômage, il ne suffit pas de se dire que l’on va leur offrir quelques activités pour leur permettre de passer le temps. Il faut vraiment se demander ce que l’on va réellement mettre en oeuvre pour leur permettre de s’émanciper et de trouver une place dans la société. C’est une question de volonté politique.
Bosco d’Otreppe
Mars 2012